Le tournesol a parfois mieux rémunéré que le blé, alors même que la demande mondiale n’est pas à son avantage. En 2023, la betterave sucrière a franchi un cap : dans plusieurs régions françaises, sa marge nette a surpassé celle de certaines céréales, une inversion de tendance qui n’était pas franchement attendue. Les élevages de volailles, souvent catalogués comme instables à cause des marchés fluctuants, ont finalement offert plus de sécurité que les élevages bovins, grâce à une gestion plus efficace du poste alimentation.
La diversification, loin des schémas classiques de monoculture, a généré cette année des écarts de revenus inédits selon les exploitations et les filières choisies.
Panorama 2023 : les grandes tendances de rentabilité en agriculture
La rentabilité agricole en France prend un nouveau visage. D’après la Commission des comptes de l’agriculture de la nation, l’EBE moyen par actif non salarié a fléchi de 25,7 % en 2023, tombant à 66 450 €. Plus de 40 % des exploitations agricoles ont vu leur EBE diminuer de plus de 30 %. La pression sur les marges s’intensifie, la volatilité des marchés met la solidité des revenus à l’épreuve. Le marché agricole français se réorganise sous la contrainte.
Les subventions agricoles jouent toujours un rôle structurant. En 2023, chaque bénéficiaire a reçu en moyenne 38 790 €, chiffre en baisse de 7,8 %. Entre PAC, dispositifs France AgriMer ou FEADER, la France tente d’amortir les chocs. Mais ces aides ne compensent plus la baisse généralisée des résultats économiques. La valeur ajoutée brute au coût des facteurs devrait encore reculer de 7,7 % en 2024.
Face à la montée des coûts de production, les pratiques évoluent. Les chefs d’exploitation oscillent entre spécialisation et diversification, s’interrogent sur la rentabilité réelle de chaque culture et type d’élevage. La transition écologique, poussée par des aides couvrant jusqu’à 40 % des investissements, pousse à repenser les stratégies sur le terrain.
Voici les filières qui se distinguent par leurs résultats cette année :
- La betterave sucrière et la pomme de terre affichent les EBE les plus élevés en 2023, autour de 101 840 € pour la première et un niveau équivalent pour la seconde.
- La vigne (84 140 €), le lait (76 490 €) et la volaille (93 830 €) s’en sortent mieux malgré la pression sur les marges.
- Les grandes cultures (blé, maïs, oléagineux) marquent le pas : 40 570 € d’EBE pour les céréales et oléoprotéagineux, soit une chute de 58,8 % sur un an.
La rentabilité des cultures et des élevages en France s’étire désormais entre différents modèles, dépendant de l’accès aux subventions, de la gestion fine des charges et de l’intégration de nouveaux modes de production.
Quels sont les cultures et élevages qui tirent leur épingle du jeu cette année ?
Alors que la production agricole française compose avec un recul des soutiens publics et la pression constante sur les marges, certaines filières se démarquent nettement. La betterave sucrière et la pomme de terre dominent avec un EBE par actif non salarié supérieur à 100 000 €. Ce niveau tranche avec la chute généralisée des résultats. La vigne continue d’occuper une place forte, à 84 140 € d’EBE en 2023, portée par le dynamisme à l’export.
Sur le terrain de l’élevage, la volaille tire son épingle du jeu. Avec un EBE de 93 830 €, le secteur bénéficie d’une demande toujours solide et réussit en partie à répercuter la hausse des charges. Le lait tient bon, avec un EBE de 76 490 €. Plus inattendu, l’élevage porcin affiche 157 750 € d’EBE, chiffre exceptionnel lié à l’explosion temporaire des prix du marché.
Pour les grandes cultures, le bilan est plus nuancé. Blé tendre, maïs grain, colza ou tournesol restent attractifs sur le papier, mais l’EBE tombe à 40 570 €, en raison de marchés très changeants. Pourtant, la diversification ouvre des pistes. Les fruits rouges (framboises, myrtilles) séduisent par des marges élevées, tandis que les plantes aromatiques et médicinales ou la micro-production spécialisée (champignons, micro-pousses) gagnent du terrain parmi les projets agricoles à fort potentiel de retour sur investissement.
Zoom sur les opportunités à saisir pour optimiser ses revenus agricoles
Les exploitations ne peuvent plus compter sur des marges confortables issues des seules grandes cultures. Face à la pression sur les prix de vente et la volatilité du marché, la diversification devient incontournable. Le maraîchage biologique en circuit court attire de plus en plus : il se distingue par des rendements élevés sur de petites surfaces, en misant sur la proximité et en réduisant le nombre d’intermédiaires. Les marges progressent ici de 30 à 50 % par rapport aux circuits classiques. Des plateformes comme La Ruche Qui Dit Oui ou Le Panier Local facilitent cette transformation, en offrant aux producteurs un accès direct aux consommateurs.
Pour ceux qui cherchent d’autres voies, certaines cultures alternatives se distinguent :
- Le bambou géant affiche un taux de rentabilité de 34 % sur 20 ans, idéal pour qui vise un investissement différenciant.
- Le chanvre agricole s’impose par la variété de ses débouchés, du secteur de la plasturgie à l’alimentation en passant par la cosmétique.
L’agrivoltaïsme s’impose aussi comme une solution pour générer jusqu’à 5 000 €/ha/an de revenus complémentaires, tout en maintenant l’activité de production agricole. Même logique pour la transformation fermière : valoriser ses produits sur place permet d’augmenter la marge nette, en maîtrisant mieux la chaîne de valeur.
Prendre le virage des labels offre aussi un levier non négligeable : obtenir la certification Label Rouge ou Bio (AB) permet de vendre entre 20 et 50 % plus cher. Les technologies agricoles modernes (guidage GPS, capteurs, drones) associées à l’agriculture de précision optimisent l’emploi des intrants. À la clé : des rendements supérieurs et des dépenses mieux maîtrisées, même pour des productions traditionnelles.
À l’heure où chaque décision compte, l’agriculture française réinvente ses équilibres. Derrière chaque résultat, il y a des paris, des choix, parfois des audaces. Et si demain, la filière la plus rentable n’était pas celle que l’on croit aujourd’hui ?