Depuis 2020, 10 % des foyers fiscaux assurent près de 75 % du montant total de l’impôt sur le revenu. La suppression de l’ISF au profit de l’IFI et l’instauration du prélèvement forfaitaire unique (PFU) ont redéfini la structure de la contribution fiscale en France.
La concentration de l’effort fiscal sur une minorité de contribuables alimente les débats autour de l’équité, du financement des services publics et de la redistribution. Les collectivités territoriales, quant à elles, continuent de dépendre largement des concours financiers de l’État, accentuant la complexité des relations budgétaires.
Qui supporte réellement la charge fiscale en France ?
Le système fiscal hexagonal dévoile une réalité tenace : une faible part des ménages paie la quasi-totalité de l’impôt sur le revenu. À elles seules, 10 % des familles acquittent près des trois quarts de cette recette centrale pour le pays. Ce phénomène s’observe surtout dans les grandes villes et exacerbe les débats sur le sens du mot « justice fiscale ».
On retrouve ces principaux contributeurs parmi les foyers aux revenus les plus élevés, logiquement visés par la progressivité du barème. Ces ménages se heurtent à la fois aux taux marginaux forts et aux prélèvements sociaux additionnels. Le résultat pèse : une contribution massive qui représente, année après année, plusieurs dizaines de milliards d’euros pour les caisses publiques.
Quelques chiffres permettent de bien visualiser l’importance de cette concentration :
- Parmi près de 40 millions de foyers déclarés, environ 6,4 millions seulement sont redevables de l’impôt sur le revenu.
- Le 1 % situé tout en haut de l’échelle verse à lui seul plus d’un quart du total récolté.
L’arrivée du prélèvement à la source a modifié la temporalité de la collecte mais non sa configuration : toujours cette même faible proportion de personnes supportant une charge conséquente. Le projet de loi de finances relance chaque année les mêmes discussions : comment répartir autrement la charge sans éroder la dynamique d’initiative ou décourager les investissements ? Le défi, lui, ne faiblit pas.
ISF, IFI, PFU : quels changements pour les contribuables les plus concernés ?
En 2018, la suppression de l’ISF et l’apparition de l’IFI ont profondément modifié l’imposition sur le patrimoine. Désormais, seuls les patrimoines immobiliers supérieurs à 1,3 million d’euros sont concernés, l’épargne financière ayant été sortie du champ. Résultat : la pierre occupe la première place, qu’on détienne ses biens en nom propre ou via des sociétés.
Sur les revenus du capital, le prélèvement forfaitaire unique (PFU), ou flat tax, impose depuis 2018 revenus mobiliers et plus-values à 30 %, prélèvements sociaux inclus. Ce changement clarifie la donne : fini les variations au fil des taux marginaux et de la fiscalité spécifique pour la majorité des placements financiers. Chacun peut désormais arbitrer plus simplement entre immobilier et valeurs mobilières.
Certains abattements pour durée de détention s’appliquent encore sur les plus-values immobilières réalisées par des particuliers : c’est un des derniers leviers d’ajustement. Pour le moment, aucune hausse de l’IFI n’a été actée dans les plus récents textes budgétaires. Mais les spécialistes restent vigilants : dans une conjoncture tendue, chaque ligne de loi de finances peut tout chambouler à brève échéance.
Philanthropie et fiscalité : un équilibre à repenser pour la solidarité nationale
À côté de la fiscalité classique, la philanthropie occupe un espace singulier mais croissant. Celles et ceux qui contribuent beaucoup à l’impôt sont aussi, souvent, ceux qui soutiennent des causes d’intérêt général. Les montants engagés sont significatifs : chaque année, des millions d’euros sont dirigés vers la recherche, la lutte contre la précarité ou la transition écologique. Le système ouvre droit à une réduction d’impôt atteignant 66 % des sommes données, dans la limite de 20 % du revenu imposable.
Plusieurs mécanismes structurent ce soutien :
- Les grandes fondations bénéficient encore du concours des ménages disposant de hauts revenus, mais le nombre de donateurs recule progressivement.
- La fiscalité sur les donations et successions oriente aussi l’épargne à travers différents supports, dont l’assurance vie.
- Le débat sur la frontière entre contribution obligatoire (impôt) et soutien volontaire (don) prend de l’ampleur.
Les contrats d’assurance vie, ou la dotation à but précis, permettent d’acheminer une part du patrimoine vers des actions à forte utilité collective. Cette alliance entre avantage fiscal et engagement citoyen doit toutefois s’adapter à un ralentissement des dons, tandis que les besoins du secteur associatif ne cessent de croître. La tension sur les finances publiques accentue encore le rôle pivot de ce vecteur fiscal pour stimuler la mobilisation privée en faveur du bien commun.
Collectivités locales et État : des relations financières au cœur des enjeux budgétaires
Le partage des ressources fiscales entre les acteurs publics français repose sur une mécanique complexe. L’État prélève l’essentiel : impôt sur le revenu, TVA, impôt sur les sociétés. De leur côté, régions, départements et communes gèrent des budgets imposants, mais voient leur autonomie rognée année après année par la multiplication des dotations et transferts en provenance du centre.
Les dépenses publiques globales atteignent plusieurs centaines de milliards d’euros ; parmi elles, près d’un cinquième reste du ressort des collectivités territoriales. Mais leur disposition fiscale a diminué : la suppression de la taxe d’habitation sur la résidence principale reste une illustration majeure de cette recentralisation.
Le financement local évolue. Avec le recul de la fiscalité locale directe, les ressources compensatoires s’imposent. Transferts de TVA, participations de l’État, fonds d’investissement : le paysage s’est transformé, mais l’autonomie réelle des élus locaux recule, alors même que les attentes restent fortes.
Quelques tendances se dessinent nettement :
- La part des recettes fiscales propres aux collectivités locales fond face aux autres sources budgétaires.
- Le dialogue entre acteurs publics s’enraye, faute de marge d’action.
- La dernière loi de finances accentue la priorité donnée à la collecte centralisée au niveau de l’État.
En toile de fond : trouver une nouvelle trajectoire qui permette d’investir où c’est possible, sans alourdir la fiscalité ni aggraver l’endettement. L’équation reste délicate. Les territoires le savent : c’est désormais l’avenir de l’ambition locale qui se joue dans la balance budgétaire.


